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vendredi 9 juillet 2010

Tensions communalistes à Maurice : un rassemblement pentecôtiste perturbé par des extrémistes hindous

Je n'ai pas consacré beaucoup d'attention à l'actualité mauricienne ces derners temps. Or un événement en date du 14 mars dernier mérite d'être signalé, dans le prolongement des notes déjà publiées sur ce blog au sujet du pentecôtisme mauricien. Ainsi, dans l'article intitulé "Questions de chiffres", daté du 10 novembre 2009, j'écrivais : "Si la question de l'importance numérique de ces mouvements n'a pas de répercussion particulière sur le plan politique en France métropolitaine, pas plus qu'à la Réunion d'ailleurs, cela n'est pas le cas à l'île Maurice.  (...) Régulièrement, le prosélytisme de la Mission Salut et Guérison ou d'autres Eglises évangéliques charismatiques en direction des Mauriciens d'origine indienne est dénoncé en termes très virulents par certains mouvements, comme par exemple par les extrémistes de l'organisation Voice of Hindu qui ne reculent pas devant certains excès et même des actions violentes pour la défense de la religion hindoue."

Or, ce qui s'est passé le dimanche 14 mars 2010 dans le cadre d'un festival gospel organisé par l'Eglise pentecôtiste Light Ministries International à Triolet, une commune peuplée majoritairement de Mauriciens d'origine indienne hindouiste, illustre parfaitement mes propos cités ci-dessus. 3000 personnes environ, rassemblées pour l'occasion sous un chapiteau, ont été violemment prises à partie par un groupe d'activistes liés à certaines associations hindoues hostiles aux Eglises pentecôtistes locales, comme Kranti qui avait déployé  à Triolet des banderoles dénonçant les supposées "conversions forcées" dans le cadre de ces Eglises, ou comme VOH (Voice of Hindu). Bilan de l'agression : quelques blessés légers, des chaises cassées, plusieurs voitures défoncées, un début d'incendie dans un champ de cannes, mais surtout une grande agitation médiatique locale, surtout lorsque le dirigeant de Kranti, accusé d'avoir été présent parmi les fauteurs de trouble, fut arrêté puis très rapidement libéré sous caution.

Suite à cela, les représentants de diverses associations hindoues, dont Kranti et VoH, dénoncèrent publiquement la "provocation" que constituait, selon eux, l'organisation d'un rassemblement pentecôtiste dans un "fief" hindou (à Triolet s'élève un des principaux temples hindous de l'île) et la "duperie" consistant, toujours selon eux, à attirer une partie de la population indienne locale par l'entremise d'une star de Bollywood, le comédien "born again" Johnny Lever. Un Front Commun fut créé pour réclamer une interdiction des conversions (alors que la Constitution mauricienne garantit la liberté religieuse), un démantelement des "sectes pentecôtistes" présentes dans l'île, et même la dissolution du "Conseil des religions", une ONG créée en 2001, gérée par un comité exécutif de dix réprésentants des principales religions à Maurice (dont l'hindouisme), oeuvrant entre autres pour la paix religieuse. De l'autre côté, alors que les responsables de Light Ministries International se déclaraient ouverts au dialogue avec leurs agresseurs, la Fédération des Eglises Protestantes Pentecôtistes (FEPP, fondée en 2004, site internet ici) à laquelle appartient l'Eglise en question créait le National Pentecostal Council (présidé par Cyril Demba, de la Full Gospel Church of God), pour demander à l'Etat mauricien une reconnaissance légale en tant que religion, comme l'avait fait auparavant, en 2006, les Assemblées de Dieu mauriciennes.

On le constate, la visiblité accrue des protestants évangéliques, notamment pentecôtistes-charismatiques, exacerbe, comme on pouvait le craindre, les tensions communalistes dans l'île...



http://www.fepef.com/wp-content/uploads/2010/03/eglises_thumb.jpg
Photo : defimedia.info



Sources :