Le pasteur Jules Randrianjoary aujourd'hui (source : www.vincent-esterman.eklablog.com) |
Outre les missionnaires étrangers des années 1960-1970, certains des premiers convertis malgaches peuvent être considérés, eux aussi, comme des "pionniers" du pentecôtisme dans la Grande Île, du fait du rôle important qu'ils ont joué dans l'expansion de ce courant. Parmi eux, Jules Randrianjoary, pasteur et évangéliste "de grand talent" (Jacquier-Dubourdieu, 2009 : 371), fut certainement un des plus influents, du début des années 1970 à aujourd'hui, comme le souligne sur son blog (avec un peu d'exagération) le pasteur français Vincent Esterman (1) qui l'a invité récemment dans sa nouvelle église à La Réunion (voir ici).
Jules Randrianjoary est né en
1950. A l’âge de 19 ans, il se convertit dans une assemblée de Jesosy
Mamonjy à Moramanga. En 1971, il commence à prêcher et implante une
première église pour Jesosy Mamonjy dans son village de Bembary, puis en
1973, il entre à l’école biblique de l’église fondée par le couple Daoud. Il en
sort au bout d’un an, se sentant appelé à prêcher en plein air comme
évangéliste itinérant plutôt que voué à devenir pasteur en charge d’une
assemblée. Prêchant à Antananarivo et dans différentes villes sur les places
publiques et les marchés, il est soutenu financièrement par certains évangéliques français, comme, par exemple, par la future épouse de Clément le
Cossec, Martine, dont Jules Randrianjoary fait la connaissance à Madagascar en 1973 (Le Cossec,
1991 : 10). L’évangéliste rencontre un succès grandissant, notamment auprès
de jeunes, âgés pour certains de 12 ans à peine. Des groupes de ces jeunes,
l’accompagnant sur les marchés pour prêcher à ses côtés, s’étoffent ainsi peu à
peu.
En 1975, le président des ADD de Madagascar l’invite à venir prêcher régulièrement dans l’église
principale d’Isotry, lui proposant même par la suite de devenir pasteur en
charge d’une église au sein de la dénomination. Jules Randrianjoary accepte et
est très vite ordonné. Deux ans plus tard, après avoir grandement contribué à
la croissance de l’église, il reprend sa liberté et quitte les ADD pour
recommencer ses prédications en plein air avec le mouvement de jeunesse qu’il a
continué à diriger durant cette période et auquel il donne désormais le
nom de Vie en Christ (VEC) ou, en malgache : Fiainana ao amin’i Kristy (FAAK).
Le mouvement rassemblant un
nombre grandissant de jeunes enthousiastes, jusqu’à plusieurs milliers, le
pasteur Jules l’institue en église à la fin de l’année 1980. Des assemblées se
créent alors dans diverses villes de Madagascar : à Fianarantsoa, Tamatave,
Toliara, etc., accompagnées d’une forte effervescence revivaliste, notamment
lors des conférences organisées en plein air dans des stades combles.
Toutefois, en 1985, le gouvernement malgache, accusant VEC de favoriser des
débordements parmi la jeunesse, ferme l’église et interdit les meetings et les
prêches en plein air. L’église continue sous forme de cultes à domicile, mais à
partir de 1987, la plupart des pasteurs de VEC, accompagnés des fidèles de leur
église locale, décident d’intégrer les ADD, tout comme leur leader qui retrouve
ainsi la dénomination où il a été ordonné et avec laquelle il a toujours gardé
de bonnes relations.
Jules Randrianjoary et sa famille au début des années 1990 Source : Vie et Lumière, n° 136, 1992 |
En 1995, à la suite d’une « croisade » d’évangélisation menée
en France par le pasteur Jules, VEC ouvre une filiale dans la région
parisienne. L’antenne française croît régulièrement pendant quelques années
sous la direction d’un responsable malgache, en recrutant principalement au
sein de la diaspora, mais elle commence à péricliter au début des années 2000
du fait de problèmes de leadership. Jules Randrianjoary cherche alors à
s’installer en France pour reprendre en main cette église, mais son visa est
refusé. Il reste à Madagascar où sa popularité et son influence dans certains
milieux le poussent à se proposer comme candidat à l’élection présidentielle de
2006, ce qui crée des dissensions au sein de son église entre les partisans de
cette décision et ceux qui s’y opposent. Au moment de la crise politique de
2009, il s’installe pour de bon en France, dans la région parisienne, où il
démarre une église évangélique charismatique principalement fréquentée par des
Malgaches expatriés : « Messagers d’amour » (http://www.eglisemessagersdamour.fr/) (3). [Edit du 28.08.2015 : il est à signaler que cette Eglise est aujourd'hui affiliée à l'Union des Assemblées Protestantes en Mission (UAPM), tout comme l'assemblée fondée récemment à La Réunion par Vincent Esterman. Voir, en bas de page, ici et là].
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1. Vincent Esterman est un pasteur évangélique charismatique français né en Australie, fondateur en 1990 de la fédération d'églises "Vie chrétienne en France" (aujourd'hui Union des Assemblées Protestantes en Mission - UAPM) : voir ici. Il s"est installé à la Réunion en 2012 et y a depuis fondé une nouvelle assemblée : Espace Foi sans frontières (http://xn--espace-foi-sans-frontires-5hc.re/WordPress3/).
2. Ces éléments biographiques sont proposés par Hennie Van Niekerk (Van Niekerk, 2006 : 74-75) dans sa recherche universitaire disponible en ligne : http://repository.up.ac.za/bitstream/handle/2263/29131/dissertation.pdf?sequence=1. Il existe toutefois quelques contradictions, au moins pour ce qui concerne les dates, avec ce qu'écrit le pasteur Le Cossec dans la revue Vie et Lumière à la suite de son voyage à Madagascar en 1991. Selon le pasteur Le Cossec, en effet, une moitié des groupes VEC créés par Jules Randrianjoary se sont joints aux ADD malgaches au cours des années 1980, alors que pour ce qui concerne l'évangéliste Jules : "Lors de notre séjour à Antananarivo [en 1991], nous avons au la joie de contribuer à son intégration dans les Assemblées de Dieu avec l'autre moitié des Eglises qui étaient sous sa responsabilité" (Vie et Lumière, n° 131, 1991 : 10). Comme il est encore question de l'évangéliste malgache plusieurs mois plus tard, dans la revue Vie et Lumière n° 136, il est possible que les dates données par Hennie Van Niekerk pour cette période soient erronées et que le pasteur Jules ait quitté définitivement les ADD de Madagascar en 1992, et non en 1991.
3. Parmi les nombreux pasteurs formés à Madagascar dans le cadre de Vie en Christ, d'autres avaient fait ce choix de l'expatriation, avant même Jules Randrianjoary, comme par exemple la pasteure Perle Raliterason, fondatrice, en 2004, d'une Eglise à Colomiers près de Toulouse suivie d'une seconde en région parisienne : https://sites.google.com/site/cmtn31/historiques.
Réf. bibliographiques :
JACQUIER-DUBOURDIEU Lucile, « Le rôle des églises
évangéliques dans la dérégulation et la recomposition du champ chrétien à
Tananarive », in D. Nativel & F.V. Rajaonah, Madagascar revisitée.
En voyage avec Françoise Raison-Jourde, Paris Karthala, 2009, pp.
352-379.
LE COSSEC Clément, « En mission dans l’océan Indien », Vie et
Lumière, 131, 1991, pp. 10-12.
VAN NIEKERK Hennie, An Investigation of
Senior Leadership and Organisational Structure in a Malagasy Congregational
Setting, Department of Practical Theology, University of Pretoria, 2006 (disponible en ligne : http://repository.up.ac.za/bitstream/handle/2263/29131/dissertation.pdf?sequence=1).
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