S’il est utile de réévaluer la place de Jane Collins-Daoud
dans l’implantation du pentecôtisme à
Madagascar, il apparaît encore plus nécessaire de faire sortir de l’ombre d'autres "pionniers" qui ont joué un rôle essentiel dès la
deuxième moitié des années 1960, à commencer par le couple brésilien-suédois
Silva qui est presque totalement ignoré par les quelques travaux existant sur
le sujet.
Ainsi, Paul Calzada, des ADD de France, mentionne bien, dans son ouvrage commémorant les 40 ans de l’action missionnaire du
mouvement à travers le monde, les époux Daoud et Jesosy Mamonjy,
mais pour les ADD malgaches, il évoque seulement, sans plus de précisions, le
travail de missionnaires suédois (Calzada, 1997 : 96-97). Par ailleurs, dans
une publication plus récente, on trouve certes une référence à un missionnaire
brésilien à l’origine de l’ADD de Madagascar (Radimilahy et Andriamampianina,
2006 : 99), mais le nom est orthographié Sylva et le missionnaire en
question est présenté comme ayant introduit le mouvement pentecôtiste dans l’île en 1962, ce
qui dénote très probablement une confusion avec M.A Daoud. Quant à l’article de
L. Jacquier-Dubourdieu publié en 2009, pourtant bien documenté par ailleurs sur
les débuts du pentecôtisme malgache, celui-ci soutient de façon erronée que les ADD de
Madagascar ont été fondées en 1978 par le pasteur danois francophone Ove Falg. De surcroît, entre 1967 et 1978, Ove Falg, à la demande de M.A. Daoud, aurait assumé la
direction spirituelle des pasteurs de Jesosy Mamonjy, en lien avec l’action missionnaire des ADD de France et
la Mission Salut et Guérison réunionnaise (Jacquier-Dubourdieu, 2009 :
370). Or, en réalité, le pasteur Falg, pionnier du pentecôtisme en France, n’est arrivé qu’en
1977 à Madagascar, à la demande des églises brésiliennes et suédoises qui
avaient débuté une œuvre missionnaire dès 1967 grâce aux époux Silva.
Par ailleurs, L. Jacquier-Dubourdieu évoque « une dizaine de
missionnaires scandinaves, brésiliens, américains ou français » qui, selon la sociologue, seraient venus à cette période à Madagascar pour "visiter" l’église Jesosy Mamonjy, « sans parvenir à réconcilier les fidèles ni
instaurer une autorité centrale reconnue par tous. » (Jacquier-Dubourdieu,
id.). En fait, après l’expulsion
des époux Daoud de la Grande Île en 1967, deux missionnaires américains (dont
un évangéliste dénommé Fox) furent envoyés par les Assemblies of God américaines (à la
demande apparemment des époux Daoud) dans le but de reprendre en main l’église
Jesosy Mamonjy. Cette tentative, qui échoua très vite, entérina la rupture déjà amorcée quelques années auparavant par les Daoud avec les ADD des Etats-Unis. C'est ce qui ressort des entretiens réalisés avec certains acteurs malgaches de cette époque dans le cadre d'un travail universitaire en théologie soutenu en 2006 à l'université de Pretoria (Van Niekerk, 2006 : 136-139).
L’étude en question,
accessible en ligne ici, mentionne elle aussi un missionnaire brésilien à l’origine
des ADD malgaches, mais elle le dénomme "Silver" (id. : 139). Qui était donc ce missionnaire? Son identité exacte, ainsi que
celle de son épouse, apparaissait en fait en 2010-2011 dans un document interne de l’ADD de Madagascar disponible un temps en ligne, sans nom d’auteur, sur le
site Internet du mouvement (www.addmadagascar.org). Ce document a malheureusement disparu depuis de ce site, mais à l'époque, une rapide recherche Google à partir du nom de ces missionnaires m’a appris que ceux-ci sont loin d’être des inconnus au sein des ADD de leur pays. Euclides
Arlindo Silva (1913-2006) était en effet pasteur à Aracaju au Brésil avant de partir en
1966 à Madagascar, et il était même, depuis
1949, président des ADD de l’Etat de Sergipe au Brésil. En 1958, il épousa la missionnaire
d’origine suédoise Gudrun Maria Ling (1916-1976), plus connue sous le nom de « Guida »
Ling, de l’église pentecôtiste suédoise Filadelfia (1). Sous
l’impulsion de « Guida » Ling Silva, fortement investie dans le
travail social et éducatif, fut inauguré en 1959 à Aracaju un important
orphelinat qui porte aujourd’hui le nom de sa fondatrice (De Araujo I., 2007 :
429).
Les époux Silva et les enfants de l'orphelinat des ADD de Sergipe |
La famille Silva (fin des années 1960?) |
Se réclamant d’un appel missionnaire pour Madagascar, Euclides
Arlindo Silva et Guida Ling arrivèrent en 1966 dans la Grande Île en compagnie
de leur petit garçon sans parler un mot de malgache, avec juste quelques rudiments de
français. Il ne restèrent que quatre ans environ à Madagascar, mais ils eurent
tout de même le temps d’y implanter une Eglise – déclarée officiellement en
1970 – comptant 700 fidèles à leur départ, un orphelinat et une école. Ils
partirent ensuite comme missionnaires en France (!) où ils ne restèrent qu’un
an. Guida Ling décéda en 1976 en Suède (De Araujo, id.). Quant à Euclides Arlindo Silva, il
continua sa carrière de missionnaire et de pasteur avant de décéder en 2006 au
Brésil (voir par exemple ici).
De 1970 à 1977, les époux Silva furent remplacés à Madagascar par divers missionnaires envoyés par les ADD du Brésil et l'Eglise Filadelfia suédoise, notamment, à partir de 1974, par deux missionnaires brésiliens, Edson Alves da Silva et Virginio de Carvalho Neto, qui
firent l’un et l’autre par la suite une belle carrière au sein des ADD
brésiliennes (Virginio de Carvalho Neto est aujourd’hui le pasteur président
des ADD de l’Etat de Sergipe) (voir ici et là).
Références bibliographiques :
Calzada P., Racontez
ses merveilles, 40 ans de mission, Viens et Vois, Grezieu la Varenne, 1997.
De Araujo I., « LING, GUDRUN MARIA (1916-1976) », in Dicionário do Movimento Pentecostal, Rio
de Janeiro, CPAD, 2007, p. 429.
Jacquier-Dubourdieu L., « Le rôle des églises évangéliques dans la
dérégulation et la recomposition du champ chrétien à Tananarive », in D.
Nativel & F.V. Rajaonah, Madagascar
revisitée. En voyage avec Françoise Raison-Jourde, Paris, Karthala, 2009,
pp. 352-379.
Radimilahy C. & Andriamampianina R., « Lieux de
culte chrétiens, musulmans et hindouistes à Antananarivo », in S. Blanchy,
J-A. Rakotoarisoa, P. Beaujard, C. Radimilahy (dir.), Les dieux au service du people. Itinéraires religieux, médiations,
syncrétisme à Madagascar, Paris, Karthala, 2006, pp. 89-142.
Van Niekerk H., An Investigation
of Senior Leadership and Organisational Structure in a Malagasy Congregational
Setting, Department
of Practical Theology, University of Pretoria, 2006, 155 p (non-publié). Disponible en ligne ici.
Bonjour, effectivement nous l'appelions papa Silva et maman Guida. Mon père est l'auteur de l'article apparu sur le site add Madagascar. Il est le 1er membre de l'eglise add madagascaren ce temps il avait 14 ans. Culte qui se déroulait à Ambohijatovo. Mes parents furent mariés par le pasteur missionnaire suédois et brésilien le remplaçant et je fus présentée par lui en 1977. Après son retour du Brésil. J'ai connu les pasteurs Virginio de Carvalho Neto, le pasteur Burki, le pasteur
RépondreSupprimerBonjour
RépondreSupprimerEffectivement le fondateur de l'add à Madagascar est le pasteur Silva et son épouse Guida. Mon père est le 1er membre de l'église add Madagascar. Et c'est lui qui est à l'origine de l'article sur le site add Madagascar. Témoin de la fermeture de jesosy mamonjy et le 1er culte de l'add à ambohijatovo. Papa Silva à son arrivée à Madagascar s'est rapproché de Daoud qui n'a pas voulu de son aide ni l'intégrer malgré que ce dernier vien des add des usa. Voyant l'expansion de son église, il a voulu s'emanciper des add usaet créé son propre église. Ainsi il a refusé tt aide et nouveau venu. Papa Silva et maman Guida de ce fait ont été des fidèles auditeurs libres à jesossy mamonjy attendant l'heure de leur appel. Mon père vous le racontera mieux avec une passion et fierté. Mamy RAVONIARISON
Bonjour, mon père Mamy RAVONIARISON est le 1er membre de l'add de Madagascar fondée par le pasteur Silva et son épouse Guida suite à la fermeture de Jesosy Mamonjy. Ma mère a été baptisée lors du 1er baptême des add. Mon père vous racontera volontiers l'histoire des add Madagascar
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