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jeudi 24 février 2011

Jimmy Rivière

Le cas est assez rare pour être signalé : le 9 mars prochain sort sur les écrans un film ayant comme toile de fond l'univers pentecôtiste tsigane. Il n'est pas signé Tony Gatlif, mais Teddy Lussi-Modeste, un jeune réalisateur lui aussi issu de cette communauté qui, en quelques décennies, a vu, en France, un tiers de ses effectifs (soit environ 100 000 personnes) se convertir au protestantisme évangélique, notamment dans le cadre de la Mission Evangélique Tzigane "Vie et Lumière" créée dans les années 1950 par le pasteur gadjo Clément Le Cossec. Le film en question raconte l'histoire d'un jeune Gitan qui, converti ("sous la pression de sa communauté" précise le synopsis),  a du mal à laisser derrière lui sa passion pour la boxe thaï, ainsi que le désir qu'il éprouve pour Sonia, la fille dont il est amoureux. Les premières critiques sont plutôt bonnes, semble-t-il, pour Jimmy Rivière qui vient d'obtenir le Prix du Public (Long Métrage Français) au Festival Premiers Plans d'Angers.

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Photo extraite du film "Jimmy Rivière"


Je ne connais personnellement pas d'autre exemple de film de fiction français se passant en milieu pentecôtiste (tsigane ou pas),  ou même y faisant référence. Par contre, cela fait longtemps que le cinéma américain s'y est intéressé avec, par exemple, dès 1931, The Miracle Woman, de Frank Capra, inspiré de la vie mouvementée de la prédicatrice Aimée Semple McPherson (1890-1944), fondatrice de la Foursquare Church aux Etats-Unis (dénomination aujourd'hui présente dans le monde entier, y compris en France où l'Union des Eglises Protestantes Foursquare France fait désormais partie de la Fédération Protestante de France, tout comme la Mission Evangélique Tzigane). Comme dans Elmer Gantry, film de Richard Brooks (1960), d'après le roman homonyme de Sinclair Lewis paru en 1927, qui évoque lui aussi le parcours d'Aimée McPherson ainsi que celui de Billy Sunday, ex-joueur de baseball devenu prédicateur, la perspective est souvent critique, décrivant le pentecôtisme sous l'angle de la manipulation de foules par des évangélistes "bonimenteurs de foire" à l'honnêteté discutable (comme le souligne le titre français : Elmer Gantry le charlatan). C'est également la perspective adoptée dans l'hilarant roman de l'écrivain sudiste Erskine Caldwell : Les Voies du Seigneur (Journeyman - 1944), à la différence près que le personnage central, Semon Dye, prêcheur roublard, escroc et fornicateur, est en même temps totalement convaincu de sa mission évangélisatrice. Cette ambivalence se retrouve, en plus subtil et complexe, dans l'excellent film de Robert Duvall : Le prédicateur (The Apostle1997), où ce grand acteur (également réalisateur ici), fait une interprétation remarquable d'un pasteur pentecôtiste tout à la fois parfaitement sincère dans sa foi et en même temps violent et impulsif, ce qui l'amène à être en totale contradiction avec ce qu'il prêche au point de tuer accidentellement, lors d'un accès de colère incontrôlée, le rival qui a brisé sa vie conjugale. La prestation de Duvall est absolument extraordinaire. Il faut le voir insuffler son énergie et son charisme à la petite communauté dont il va devenir le pasteur après avoir fui la justice des hommes. ce qui lui ouvrira le chemin de la rédemption. Un film à découvrir pour appréhender de l'intérieur certaines facettes du pentecôtisme nord-américain...

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